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Demandé en bonne et due forme
« A l’initiative de M. Olivier Falorni, une trentaine de députés [...] se sont demandés comment nous devrions nous y prendre pour tuer chaque année un milliard d’êtres dans la dignité et le "respect du bien-être animal". »
(Renan Larue, sur liberation.fr, le 20 septembre 2016)
Ce que j'en pense
Loin de moi l'intention de chercher la petite bête dans une affaire qui aura fait couler plus de sang que d'encre. Car enfin, l'accord d'un participe passé ne pèse pas lourd, convenons-en, en regard de la cause animale. Il n'empêche, est-ce trop demander à un agrégé de lettres modernes que de se rappeler que le participe d'un verbe, fût-il pronominal, reste tout bêtement invariable quand le complément d'objet direct le suit ? Pour preuve, ces exemples trouvés non pas sous le sabot d'un cheval, mais sous la couverture d'ouvrages de référence : « Plusieurs se sont demandé comment cette mère de famille s'y est pris pour habiller si joliment les cinq enfants qu'elle a eu à élever » (Nouvelle Grammaire française de Grevisse et Goosse), « Ils se sont demandé comment ils allaient justifier cette fête impromptue » (Bescherelle Dictées de Nora Nadifi), « Les grammairiens se sont demandé si le premier syntagme est sujet ou attribut » (Le Bon Usage de Grevisse), « Elle s'est demandé s'ils viendraient » (Le Bescherelle pratique de Claude Kannas), « Elle s'est demandé pourquoi Georges a refusé » (La grammaire du français langue étrangère pour étudiants finnophones de Jean-Michel Kalmbach), « Elle s'est demandé où il était » (Dictionnaire du français de Josette Rey-Debove).L'analyse, si tant est qu'elle me soit demandée, est la suivante : ils ont demandé, elle a demandé quoi ? comment..., si..., pourquoi..., où..., subordonnée complément d'objet direct placée après le participe ; à qui ? à se (mis pour ils, elle), complément d'objet indirect. Demandé est donc laissé invariable. Mais on écrira correctement, avec se complément d'objet direct : Ils se sont demandés au téléphone. Elles se sont demandées avec insistance.
Ceux qui continueraient malgré tout à ne pas se sentir à l'aise avec ces subtilités gagneront à (re)lire ce billet consacré à l'accord du participe passé des verbes pronominaux. Histoire de ne pas se voir en plus accuser de cruauté envers la langue.
Remarque : Force est de constater que ladite règle n'est pas toujours respectée par les écrivains (ou leurs éditeurs). Jugez-en plutôt : « Les médecins [...] s'étaient demandés s'ils réussiraient à la sauver » (Pierre Benoît), « D’aucuns se sont demandés si ces révélations [...] étaient bien nécessaires » (Jacques Chastenet), « D'aucuns se sont demandés s'il y avait là deux personnes distinctes » (André Martinet), « Elle s'était demandée si elle ne devait pas le brûler » (Max Gallo), « [Ils] se sont souvent demandés quel était leur sens véritable » (Lucien Calvié), « Elle s'est demandée quel pouvait bien être cet "événement déterminant" » (Camille de Peretti). Avouez qu'il y a de quoi être quelque peu... abattu.Ce qu'il conviendrait de dire
Ils se sont demandé comment nous devrions...
Tags : se demander, demandé, accord, participe passé, invariable, interrogation indirecte
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Commentaires
2danielleSamedi 22 Octobre 2016 à 18:29après lecture du commentaire précédent, l'instituteur, pardon, le professeur des écoles, conseillait à mes enfants de remplacer le verbe du premier groupe par le verbe "prendre" par exemple afin de savoir comment l'accorder. une sage recommandation toujours valable :)
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"Histoire de ne pas se voir en plus accuser de cruauté envers la langue". Ne faudrait-il pas plutôt écrire "accusé" ?
Je profite de cette remarque pour vous remercier de ce blog passionnant.
Je vous invite à lire ce billet... et vous remercie de votre témoignage de sympathie.