• Je me suis souvent demandé quelle était précisément la différence entre les paronymes atemporel et intemporel. Et force est de constater que la distinction ne brille pas par son évidence...

    On l'aura deviné, la clef se situe dans le choix du préfixe.

    Composé du préfixe privatif a- (qui signifie « pas » ou « sans » et marque donc l'absence) et de temporel, l'adjectif atemporel qualifie ce qui est hors du temps, qui n'a pas de rapport avec le temps, à l'instar de apatride qui désigne une personne sans patrie, asociale, une personne qui vit en dehors de la société, etc. On parlera ainsi d'un « décor atemporel [qui] sert pour la pièce de Molière et celle de Beckett » (Larousse), ou encore d'une forme verbale atemporelle quand elle n'exprime pas un temps, quand elle n'a pas de rapport avec le temps (comme dans « deux et deux font quatre »).

    De son côté, intemporel, plus courant, est formé du préfixe négatif in- (qui marque la négation) et de l'adjectif temporel. Cela revient à obtenir le contraire de temporel (selon la même construction que les couples utile/inutile, visible/invisible, etc.). Intemporel signifie donc « non temporel », c'est-à-dire « qui ne change pas avec le temps, immuable, éternel ».

    Une pensée intemporelle. Une réalité intemporelle.

    AstuceAinsi, atemporel qualifierait quelque chose qui est soustrait au temps (= hors du temps) et intemporel, quelque chose qui est de tout temps (= immuable).


    Problème : les exemples proposés par l'Académie dans son Dictionnaire, pour une fois, sèment la confusion plus qu'ils ne nous éclairent.

    Une vérité atemporelle. Des vérités intemporelles.

    Nous voilà bien avancés ! Sans doute est-il grand... temps de passer à autre chose.

    Séparateur de texte


    Remarque 1
    : La distinction entre amoral et immoral (et donc entre amoralité et immoralité) est plus facile à apprécier : le premier adjectif, formé à partir du préfixe a- qui marque l'absence, peut se traduire par « sans moral » ; le second, formé à partir du préfixe négatif im- (variante de in-) qui marque la négation, par « contraire à la morale ».

    Une personne amorale (= qui n'a aucune notion de la morale, qui en ignore les principes) mais Une personne immorale (= qui transgresse sciemment les principes moraux).

    Une œuvre amorale (= qui se situe hors du domaine de la morale, qui ne prend pas en considération les notions de bien et de mal) mais Une œuvre immorale (= qui est contraire à la morale, aux bonnes mœurs).

    Un animal est un être amoral car la notion de morale lui est étrangère.

    Remarque 2 : Les biens temporels (= séculiers, qui concernent les choses matérielles) s'opposent aux biens spirituels (qui concernent les choses de l'esprit), de même que le pouvoir temporel (relatif aux affaires humaines et à l'ordre social) s'oppose au pouvoir spirituel (relatif à la religion, à l'Église).

    Atemporel / Intemporel

     


    6 commentaires
  • L'adjectif déodorant n'est pas en odeur de sainteté à l'Académie, pas plus que le substantif associé (un déodorant). Et pour quelles raisons, me direz-vous ? Pour cause de relents d'anglicisme ! Singulière suspicion, quand on apprend que l'anglais deodorant serait lui-même un emprunt du vieux français...

    Les académiciens lui préfèrent définitivement le mot désodorant (dérivé du latin odor, odeur), mieux formé selon eux pour désigner un produit destiné à atténuer les odeurs de transpiration : en effet, désodorant ne comporte pas le hiatus (frottement de deux voyelles) coupablement présent dans déodorant. Ce n'est pas leur faire injure que de remarquer que leur protégé ne s'est pas imposé dans l'usage... sans doute en raison de la trop grande proximité phonétique avec le désodorisant des W.-C.

    Un savon, un gel déodorant ou désodorant.

    Les odeurs corporelles étant distinctes des odeurs ménagères, on se gardera de faire la confusion avec un produit désodorisant (ou un désodorisant), utilisé pour supprimer ou masquer les mauvaises odeurs domestiques.

     

    En résumé

    On réservera déodorant ou désodorant aux soins corporels et désodorisant à un usage plus général.

     
    Remarque 1 : Le verbe désodoriser signifie « débarasser d'odeurs gênantes » (désodoriser une chambre, les toilettes). La variante déodoriser n'est pas reconnue par l'Académie.

    Remarque 2 : On lit dans la revue Défense de la langue française : « Nous avons déjà dénoncé déodorant qui n'est pas bâti comme un mot français : désobligeant, désopilant, désordonné et autorisant, valorisant, vaporisant. »

    Déodorant / Désodorant / Désodorisant

    La pierre d'alun est un dé(s)odorant naturel

     


    3 commentaires
  • À l'origine, décade (du grec dekas) ne désigne rien d'autre qu'un ensemble de dix éléments en général, qualifiant aussi bien une série de dix livres qu'une durée de dix jours, dix mois ou dix ans. À la Révolution, cependant, le mot s'est spécialisé dans le sens de « dizaine de jours » : le mois était ainsi divisé en trois décades dans le calendrier républicain de Fabre d'Eglantine.

    Une huitaine, une décade, une quinzaine (de jours est ici sous-entendu).

    Des velléités de retour à « dizaine d'années » se sont manifestées (vraisemblablement sous l'influence du mot anglais decade) au début du XXe siècle, période à partir de laquelle décade et décennie (apparu à la fin du XIXe siècle, à partir du latin decem, dix, et annus, année) entrent en concurrence. Cet usage, bien que non fautif en soi (décade ayant pu désigner une période de dix ans en latin), est aujourd'hui condamné par l'Académie qui préconise, afin d'éviter toute équivoque, de bien distinguer le sens de décennie et de décade.

    Nous assistons à la pire sécheresse de la décennie (notez l'orthographe : 1 accent aigu et 2 n).

     

    En résumé

    Dans un souci de clarté, on fera la distinction entre décade, période de dix jours, et décennie, période de dix ans.

     

    Remarque 1 : Les dérivés décadaire (cérémonies décadaires) et décennal (garantie décennale) répondent à chacune des deux notions.

    Remarque 2 : Contrairement à ce que l'on pourrait croire, décade ne partage pas la même étymologie que décadent, emprunté du latin cadere, tomber.

    Remarque 3 : Lustre (nom masculin) désigne une période de cinq ans, en souvenir de la cérémonie de purification célébrée tous les cinq ans dans la Rome antique lors du recensement. Par extension, l'expression depuis des lustres se dit pour évoquer une très longue durée.

    Je ne l'ai pas vu depuis des lustres (= depuis très longtemps).

    Décade / Décennie

    Les traducteurs ont bien travaillé !
    (documentaire de Ted Demme et Richard LaGravenese)

     


    votre commentaire
  • On se gardera de confondre ces trois adjectifs.

    Flèche

    Déraisonnable


    L'adjectif déraisonnable signifie « qui n'est pas raisonnable, qui manque de raison ».

    Un homme déraisonnable, une conduite déraisonnable, des propos déraisonnables.

     

    Flèche

    Irraisonnable


    L'adjectif irraisonnable signifie « qui n'est pas doué de raison ».

    L'âme se divise en raisonnable et irraisonnable (Diderot).

    Jean-Charles Laveaux précise la distinction entre irraisonnable et déraisonnable :

    « Le premier est un terme didactique qui se dit des animaux, parce qu'ils ne sont pas doués de raison ; le second est un terme du langage ordinaire qui signifie "qui est contraire à la droite raison, qui n'agit pas suivant les lumières de la raison". L'homme n'est pas un animal irraisonnable ; mais il y a bien des hommes qui sont déraisonnables » (Dictionnaire des difficultés de la langue française, 1822).

    Remarque : Le mot, considéré par Dupré comme « tombé en complète désuétude», est absent de la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie.

    Flèche

    Irraisonné


    L'adjectif irraisonné signifie, quant à lui, « qui n'est pas raisonné, que la raison ne peut contrôler ».

    Un geste irraisonné, un acte irraisonné, une peur irraisonnée.

    Remarque : Un adjectif desraisonné est attesté dans l'ancienne langue, avec la valeur perfective du préfixe des-, dé- (comme dans débattre) : « A droit compas desraisoné [= calculé, raisonné d'une manière bien proportionnée ?] » (Baudouin de Condé, XIIIe siècle) ou, plus souvent, avec la valeur privative du préfixe des-, dé- (comme dans défaire) : « Ne les siens dictz ne sont desraisonnez [= déraisonnables ?] » (Roger de Collerye, avant 1536), « La calumnie [...] atroce et desraisonnee » (Rabelais, 1552), « Telle volonté subite et desraisonnee » (Henri Estienne, 1578). On trouve chez Rimbaud un « long, immense et déraisonné dérèglement de tous les sens » (1871) ; pour autant, la graphie moderne déraisonné n'est enregistrée par les dictionnaires usuels que comme un participe passé, éventuellement substantivé au sens de « personne mentalement aliénée » (selon le TLFi) : « Courir les bois comme une déraisonnée » (Claudel, 1901).

     

    Déraisonnable / Irraisonnable / Irraisonné

    Campagne FNE (France Nature Environnement)
    contre l'usage irraisonné des pesticides

     


    2 commentaires
  • Cela prête toujours à sourire mais on constate encore parfois la confusion entre induire et enduire.

    • Induire signifie « porter, pousser à faire quelque chose (généralement de mal) ».

    Induire quelqu'un en erreur (et non enduire en erreur) = tromper volontairement.

    • Enduire signifie « recouvrir d'un enduit ou d'une matière semi-liquide ».

    Elle s'est enduite de crème mais Elles s'est enduit les mains de crème.

     

    Enduire / Induire
    Livre de Max Direktor

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique