• Rien ne sert de recourir...

    « On a recourt à une des formes de contenu les plus populaires de notre ère numérique : le "tuto" ou tutoriel pour le dire en entier. »
    (paru sur franceculture.fr, le 12 octobre 2017)

     

     

      FlècheCe que j'en pense


    ... il faut écrire à point ! Car enfin, inutile de vous faire un dessin ou un tuto. Il n'est que trop clair que l'on a ici confondu deux homophones : la forme conjuguée recourt, dont le t correspond à la terminaison des verbes de la famille de courir (recourir, en l'occurrence) à la troisième personne du singulier de l'indicatif présent, et le substantif masculin recours, qui entre dans la locution avoir recours à (« faire appel à [quelqu'un], user de [tel moyen]) et dont le s, hérité du latin recursus (« retour en courant » et, au figuré dans la langue juridique, « action de se pourvoir, recours »), est requis même au singulier (*). Comparez : Il a recours à un stratagèmeIl recourt à un stratagème, il a recouru à un stratagème.

    Las ! un rapide coup d’œil sur la Toile permettra à tutti quanti de constater que les contrevenants sont légion : « Elle a recourt à l'éthologie » (France Info), « Certains habitants qui ont recourt à l'ADSL n'ont même plus accès à la télévision » (France Bleu), « C'est surtout pour sa sécurité qu'on y a recourt » (Le Parisien), « Le réalisateur J. J. Abrams a recourt aussi souvent que possible à des trucages filmés "en direct" » (Le Point), « Dans la mesure où les pouvoirs publics y ont recourt » (Les Échos), « En ayant recourt aux vieilles méthodes » (Le Monde), « Les entreprises [...] qui ont recourt au travail détaché » (Le JDD), « Pour arriver à de telles sommes, les grandes entreprises françaises ont recourt à des stratégies et des méthodes difficilement avouables » (Télérama), « Plus de 40 % des patients européens y ont recourt » (BFM TV), « Le MoDem a-t-il eu recourt à des emplois fictifs ? » (L'Express), « Manuel Valls a eu recourt à six reprises à l'article 49.3 » (L'Obs), « Cette dernière envisage d'avoir recourt à la justice » (Le Figaro), « Le recourt à un alliage entre l'expérience et la nouveauté » (Europe 1), « Diminuer le recourt aux énergies fossiles » (Paris Match), « La candidate France Insoumise déclare avoir déposé un recourt » (Valeurs actuelles), « Si les recourts sont adoptés » (La Provence). Cette énumération en dit long, vous en conviendrez, sur les risques que nous font courir ces quasi-sosies qui ne semblent exister que pour nous faire trébucher.

    En dernier recours, les rédactions desdits médias pourront toujours courir et recourir au bureau des correcteurs. Mais c'est un luxe qui n'a visiblement plus cours ou si peu.


    (*) Il en va ainsi de tous les composés de cours : concours, discours, encours, parcours, recours, secours...


    Remarque 1
     : L'usage de faire recours à au lieu de avoir recours à se répand dans la langue courante (notamment en Afrique, si l'on en croit la mise en garde d'Henry de Julliot dans Le Bon langage, guide familier de la langue française en Afrique, 1970) : « Son temps de prostration, si je puis m'exprimer ainsi et faire recours à autant de mots dans le dictionnaire, augmentait lui aussi » (Frédéric Berthet). Dans un contexte juridique, faire recours vient − tout aussi abusivement ? − concurrencer déposer, faire, former, intenter, introduire un recoursfaire appel d'une décision de justice.

    Remarque 2 : Attention au futur : il recourra et non il recourera.

       

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    On a recours à...

     

    « Il y a des allers-retours qui se perdent !Une question d'habitude »

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  • Commentaires

    1
    Jean
    Dimanche 19 Novembre 2017 à 07:15
    Jean

    A une époque, pas si lointaine, il fallait faire une dictée pour entrer dans une Ecole de journalisme...

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