• Et tout le bataclan !

    Et tout le bataclan !

    « Ne cherchez pas, essuyez vos larmes, reprenez vos activités normales et tout le bataclan, c’est bien parce que nous sommes le pays le plus libre, le plus indépendant et le plus insolent du monde [...] qu’ils veulent nous faire la peau. »
    (Olivier Berger, sur lavoixdunord.fr, le 17 novembre 2015)
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Céline)

    FlècheCe que j'en pense


    Quelle est l'origine du mot bataclan ? La question pourra paraître dérisoire, au regard des évènements tragiques que nous venons de vivre ces derniers jours. Elle n'en est pas moins intéressante.

    Bataclan est attesté depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle dans la locution familière et tout le bataclan − comprenez « et tout le reste, et tout ce qui s'ensuit, et tout le toutim, et tout le saint-frusquin » −, où il désigne usuellement un « attirail hétéroclite et embarrassant » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie), un « attirail encombrant composé d'objets dont on veut se dispenser de donner le nom » (TLFi) : « Un catéchisme pour les acteurs, danseurs, gagistes, et tout le bataclan » (Charles-Simon Favart, 1761) (1), « J'ai pris tout le bataclan [= tous mes effets], et m'en suis allé » (Antoine-Fidèle Poyart, 1811), « Il a renvoyé tout son bataclan » (sixième édition du Dictionnaire de l'Académie, 1835), « Il veut savoir à quel prix vous prendriez tout le bataclan de là-haut » (Honoré de Balzac, 1847), « Il lui faudra, au moins, un jour ou deux pour resserrer tout son bataclan » (Gustave Flaubert, 1866), « Ah ! si l'on n'avait pas la religion, la prière dans les églises, [...] la Sainte-Vierge et saint Antoine de Padoue, et tout le bataclan, on serait bien plus malheureux » (Octave Mirbeau, 1900), « Une réserve de coton-poudre, avec un détonateur, un système d'horlogerie et tout un bataclan » (Georges Duhamel, 1938).

    L'origine du mot reste obscure : selon le Dictionnaire historique de la langue française, bataclan est « probablement formé sur une onomatopée imitant le bruit d'objets qui tombent, que l'on déplace ». Nombreuses sont en effet les imitations de bruits de coups, de chocs, de chute, de galopade, de bavardage, etc. à avoir été forgées sur le radical patt- (pat- ou pata-). Que l'on songe à patati, patata, à patatras et à... pataclan − « bruit d'un corps qui tombe », en picard ; « bruit, tapage, vacarme (spécialement des meubles qu'on remue avec fracas) », en provençal (2) −, qui pourrait bien avoir été déformé en bataclan sous l'influence de battre (3). Suivra, à partir de 1834, le très voisin rataplan (et sa variante rantanplan), employé cette fois pour transcrire le roulement du tambour.

    Quel rapport, me direz-vous, avec la salle parisienne où le massacre que l'on sait a eu lieu ce vendredi 13 novembre 2015 ? Il se trouve que Ba-ta-clan est le titre d’une opérette composée en 1855 par Jacques Offenbach, une « chinoiserie musicale » dont le livret (signé du compère Halévy) raille le goût du public de l'époque pour l'exotisme (de pacotille) en multipliant les onomatopées censées imiter les sonorités du chinois : « Ba-ta-clan ! Fè-ni-han ! Fich-ton-kan ! » D'aucuns firent la fine bouche devant pareille loufoquerie : « La musique bondit, voltige, casse les vitres, fait tapage ; mais tout cela ne constitue pas une œuvre lyrique ; c'est justement qu'elle est appelée Ba-ta-clan, si le mot Ba-ta-clan veut dire cohue, tapage, assemblage de choses sans nom » (Félix Clément et Pierre Larousse, Dictionnaire lyrique ou histoire des opéras, 1869). Il n'empêche : l'opérette connut un tel succès populaire que le café-théâtre qui ouvrit dix ans plus tard sur le boulevard Voltaire à Paris lui emprunta le nom et le style orientalisant, avec rideau de scène en forme d’éventail et toit en pagode.

    La suite de l'histoire, hélas ! prête nettement moins à sourire. À dire vrai, cé-pa-tré-ma-ran.


    (1) N'en déplaise à nos spécialistes, il y a lieu d'observer que cette première attestation du mot bataclan concerne, non pas des choses, mais des personnes ! De là, sans doute, la définition plus étendue donnée par Pierre-Claude-Victor Boiste dans son Dictionnaire universel de la langue française (édition de 1819) : « Attirail, cohue, troupe, etc. qui embarrassent. Variante Pataclan. »

    (2) Dans la langue d'oc, les deux notions (effets personnels et bruit) sont rattachées au mot bataclan et à sa variante pataclan : « Bataclan, ou frusquin. Ce qu'une personne a d'argent et de nippes » (Dictionnaire languedocien-français de Pierre Augustin Boissier de Sauvages, 1785) ; « Pataclan. Bataclan. Apanage, bien, tout l'avoir d'une personne » et « Pataclan. Fatras, anticaille, vieux meuble, qui n'est plus de mode ; bruit, tapage, vacarme, etc. Garçon pataud » (Dictionnaire provençal-français de Simon-Jude Honnorat, 1847).

    (3) Littré voit dans bataclan « une composition arbitraire faite avec battre ».

     

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