• « Bercy revoit ses ambitions à la baisse. [...] S'agissant de la réduction de la dépense publique, Édouard Philippe a confirmé que le gouvernement espérait en 2022 présenter un budget à l'équilibre, et non en excédent. »
    (paru sur francetvinfo.fr, le 10 juillet 2018)  

     
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par europeanpeoplesparty)

     

    FlècheCe que j'en pense

    Grande est la tentation, par analogie avec les tours à la baisse, à la hausse, d'écrire : à l'équilibre. Force est pourtant de constater que c'est bien plutôt en équilibre qui a la préférence des spécialistes de la langue pour indiquer une position stable : « Cela est en équilibre. Maintenir un corps ou quelque objet fragile en équilibre » (Littré) ; « La ballerine se tient en équilibre sur la pointe du pied. L'enfant marchait en équilibre sur le parapet. Mettre une pièce de monnaie en équilibre sur sa tranche. Un système en équilibre instable » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie) ; « Être, mettre en équilibre. Marcher en équilibre sur une poutre » (Robert) ; « Mettre les plateaux d'une balance en équilibre » (Larousse) ; « Des forces en équilibre » (Bescherelle).

    Rien que de très logique, me direz-vous, pour qui perçoit que le choix entre les prépositions en et à, dans ces locutions, dépend du point de vue sous lequel on considère les faits : en baisse, en hausse (comme en avance, en retard, en colère, etc.) indiquent un état, une réalité dûment observée (mesurée, en l'espèce), quand à la baisse, à la hausse (employés notamment après les verbes corriger, repartir, réviser, revoir, s'orienter...) marquent la tendance, le développement de l'action, sans que son terme soit connu avec certitude. Comparez : « Le franc est en baisse. Des actions en hausse, en baisse. Figuré. Son prestige est en baisse, sa cote est en hausse » (Académie), « Les cours des matières premières sont en hausse. Le dollar est en hausse » (Larousse), « Les températures sont en baisse. Des prix en hausse » (Bescherelle), « La Bourse a ouvert en baisse, en hausse. La fréquentation des théâtres est en baisse, en hausse » (Hachette-Oxford) et « Le cours de ces actions repart à la hausse. Des prix révisés à la hausse, à la baisse. Revoir des objectifs à la hausse, à la baisse » (Académie). Point de telles subtilités avec le substantif équilibre ; le bougre désignant précisément un état, seule la préposition en est envisageable (1) : Les plateaux de la balance sont en équilibre. Se tenir en équilibre. Marcher (en étant) en équilibre. Et, pour en venir à l'exemple qui nous occupe : « Présenter un budget en équilibre, en déficit, en excédent [selon que les dépenses et les recettes se balancent exactement ou pas] » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie).

    Las ! à y regarder de près, les ouvrages de référence auraient plutôt tendance à faire voler nos certitudes en éclats. Que l'on songe à l'emploi des locutions en baisse, en hausse, à la baisse, à la hausse avec le verbe être (exprimé ou sous-entendu), lequel relève souvent du délit d'initié. Ne lit-on pas dans la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie : « Les fonds sont à la hausse, sont en hausse », puis dans la neuvième : « La Bourse est en hausse. La tendance est à la hausse » ? Que doit-on comprendre ? Que les deux constructions, hier synonymes, ne le seraient plus tout à fait de nos jours ? Le Larousse en ligne est à peine plus explicite : être en baisse, en hausse (« être en train de diminuer, d'augmenter de prix, de valeur, d'intensité, de force, etc. ») ; être à la baisse, à la hausse (« avoir tendance à, être sur le point de baisser, augmenter, en parlant d'une valeur [cotée en Bourse ?] »). Pas sûr que l'usager perçoive la nuance entre une vision pour ainsi dire statique de la réalité (dans la mesure où l'écart de prix, de valeur, d'intensité... pourrait être précisé [2]) et son pendant dynamique (réservé au seul domaine boursier ? [3]). Et que dire encore des désaccords qui opposent les spécialistes sur la nature desdites locutions ? Je vous laisse en juger : « En + nom abstrait forme de très nombreuses locutions adjectives se rapportant à un nom comme épithètes, comme attributs ou en position détachée. Ce genre de syntagme [se] trouve en particulier avec le verbe être ou des verbes tels que rester, mettre... » (La Grammaire du français parlé, 1968), « En équilibre, locution adjectivale : un plateau en équilibre ; locution adverbiale : marcher en équilibre sur un fil, tenir un verre en équilibre, mettre quelque chose en équilibre » (Larousse français-anglais) et « Locution adverbiale. En équilibre, plus rarement d'équilibre. Dans une position parfois difficile, précaire, mais stable » (TLFi).

    Gageons que le jour où les garants du bon équilibre syntaxique de notre langue accorderont leurs violons leur crédit auprès des usagers repartira... à la hausse.

    (1) On se gardera de toute confusion avec les cas où la préposition à est imposée par le verbe ou l'adjectif : participer à, revenir à, se rapporter à, tendre à, veiller à, relatif à... l'équilibre.

    (2) Il est à noter que c'est la préposition en qui s'impose quand l'écart est qualifié ou déterminé par un complément : les actions sont en baisse de 2 %, les températures sont en hausse de 2 degrés, la Bourse est en forte baisse.

    (3) Dans Les Mots de la fin du siècle (1996), Sylvie Brunet observe pourtant que « radios et télévisions semblent s’être donné le mot pour ne plus parler que de températures à la baisse (ou à la hausse) et de prix à la hausse (ou, plus rare, à la baisse) [...] par contagion du jargon boursier »...


    Remarque 1
     : La locution en équilibre est attestée au début du XVIIe siècle : « Pour tenir les navires en équilibre » (Jean-Pierre Camus, 1609). Il faut attendre la fin du siècle suivant pour voir apparaître en baisse, en hausse : « Si le papier est en hausse » (François Dominique de Reynaud de Montlosier, 1790), « [Valeur] sujette à varier soit en hausse, soit en baisse [on dirait aujourd'hui : varier à la hausse, à la baisse] » (cinquième édition du Dictionnaire de l'Académie, 1798).

    Remarque 2 : Dans le jargon boursier, jouer à la hausse (à la baisse) signifie « spéculer sur la hausse (sur la baisse) des marchandises, des valeurs ».

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Bercy revoit ses ambitions à la baisse.
    Présenter un budget en équilibre.

     


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  • Le coup de pompe

    « Une fois la porte d’entrée passée, on découvre un vestibule dans son plus simple apparat » (à propos du fort de Brégançon, photo ci-contre).
    (Guillaume Errard, sur lefigaro.fr, le 3 août 2018)  

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Patrub01)

     

    FlècheCe que j'en pense

    « J'aurais dit "un vestibule sans apparat" ou "dans son plus simple appareil" (et encore... la nudité d'une pièce se décrit-elle comme celle d'une personne ?) », m'écrit un correspondant, en sollicitant mon avis.

    D'ordinaire, la langue courante distingue nettement les deux substantifs : appareil désigne un assemblage de pièces (dispositif, instrument, machine pour effectuer un travail ou rendre un service déterminé), d'organes (appareil digestif) ou d'éléments divers qui concourent au même but en formant un tout (appareil d'État, d'un parti), quand apparat exprime le faste, l'éclat, la pompe solennelle (parfois avec une nuance péjorative). Mais il n'en fut pas toujours ainsi, et force est de constater que la confusion guette l'usager moderne au détour d'expressions où perdurent des sens anciens qui, selon toute apparence, méritent d'être précisés.

    À l'origine, appareil (milieu du XIIe siècle) et apparat (XIIIe siècle) avaient en commun le sens général de « préparatif, apprêt », comme action ou comme résultat (ce qui est préparé, en particulier la tenue, la toilette) : « Ne fist mie lung apareil » (Le Roman de Brut), « Bien avoit fet son apareil » (Jean Bodel), « De sa vesteure et abillement n'est mignot ne desguisé, quoy que son appareil soit propre et net » (Jean II Le Meingre), « Sanz apparat voit nen pucele [...] s'el est lede ou bele » (Vivien de Nogent), « Car en tel apparat que ont le homme et la femme qui sunt ensemble par mariage [...]. Ce est a dire que tel exces de cointise [= élégance, coquetterie] est laide » (Oresme) (1). Rien que de très logique, n'en déplaise à Littré (2), dans la mesure où les intéressés sont tous deux issus du latin apparare (« préparer ») : le premier par l'intermédiaire du bas latin appariculare (de même sens), lui-même à l'origine du français appareiller ; le second par l'intermédiaire de apparatus (« action de préparer ; ce qui est préparé ; solennité, pompe »). L'acception initiale de appareil, qui coexistait avec le sens moderne de « assemblage de choses préparées pour un but déterminé », eut beau se spécialiser en « déploiement de préparatifs en vue d’un évènement solennel (réception, cérémonie, opération militaire...) », apparat se tenait toujours en embuscade : « Li rois d'Engleterre faisoit son grant appareil pour rechevoir les signeurs » (Jean Froissart), « On a commencé en cette ville gros apparat pour le recevoir [l'empereur] » (Rabelais) ; « Les Anglois faisoient grant appareil de guerre »  (Nicolas de Baye), « Il avoit été donné ordre qu'il ne prit point d'alarme de l'apparat de guerre » (Jean de Serres) ; « Grant appareil de viandes » (Robert Estienne), « Magnifique apparat de mangeries » (Noël du Fail). Par métonymie, ils en vinrent également à désigner l'effet produit par lesdits préparatifs, à savoir l'éclat solennel, la pompe, la magnificence − « Magnifique. On le dit des choses qui ont de l'éclat [...], qui sont faites avec appareil » (Antoine Furetière), « Alleguer avec plus grand' splendeur et (comme on dit) apparat plusieurs autres raisons et auctoritez » (Louis Le Caron) ; « Sans luxe, sans pompe, sans appareil » (Rousseau), « C'est un roi sans apparat, sans pompe » (Jacques Necker) ; « Tous ces vains discours d'appareil » (Voltaire), « Discours d'apparat » (Académie, depuis 1694) ; « Toilette d'appareil » (Rousseau), « Sa toilette d'apparat » (Sainte-Beuve) −, sens que appareil abandonnera à son concurrent. Vous l'aurez compris, la confusion entre nos deux substantifs ne date pas d'hier, et les spécialistes eux-mêmes eurent bien du mal à en distinguer les acceptions, à l'instar de Pierre-Benjamin Lafaye dans son Dictionnaire des synonymes (1858) : ne se prend-il pas les pieds dans le tapis (du vestibule) en écrivant, à l'article « appareil, apparat », que « apparat indique l'effet, au lieu qu'appareil se rapporte aux moyens déployés pour produire cet effet », puis, à l'article « préparatifs, apprêts, appareil », que « appareil est relatif à l'apparence, à l'aspect des choses, à l'impression produite par leur ensemble » ?

    Venons-en à l'expression qui nous occupe : dans le plus simple appareil. Pour Alain Rey, qui n'a pas son pareil pour parler simplement des subtilités de notre langue, la cause est entendue : « L'association des mots simple et appareil est une figure de style, une formule antinomique (les érudits parlent d'oxymore) presque aussi remarquable que l'obscure clarté de Corneille » (200 drôles d'expressions, 2015). C'est oublier un peu vite, me semble-t-il, qu'un appareil peut en cacher un autre : Louis-Nicolas Bescherelle, dans son Dictionnaire national (1845), ne fait-il pas observer avec quelque apparence de raison que le substantif appareil, quand il est employé dans le sens de « chose préparée (en particulier ce qui contribue à l'apparence, justement : tenue, toilette, etc.) », « n'entraîne pas toujours l'idée de pompe et de solennité » ? Qu'on en juge : « Son gent appareil Qui simples fu n'avoit point de pareil », « Son cointe appareil, Simple et sans orgueil » (Guillaume de Machaut, milieu du XIVe siècle) ; « Quoy que son appareil soit propre et net » (Jean II Le Meingre, début du XVe siècle) ; « Estant en ce povre appareil, le duc de Lorraine [...] » (Philippe de Commynes, vers 1490) ; « Voyage en Asie en fort simple apareil » (Jacques Amyot, 1567) ; « Astrée dans le simple appareil où elle se fait voir aux hommes » (Mercure galant, 1702) ; « Dans un simple apareil la beauté peut seduire » (Louis Rustaing de Saint-Jory, 1735) ; « Le monarque François l'attendoit dans le plus simple appareil. Louis qui se picquoit de dédaigner la pompe extérieure, sembloit avoir affecté dans cette occasion d'outrer sa négligence ordinaire » (Claude Villaret, 1765) ; « Dans le modeste appareil D'une jeune et simple bergère » (Pierre Légier, 1769) ; « J'ordonne que mon corps soit porté à Saint-Denis dans le plus simple appareil que faire se pourra » (Louis XV, 1770) ; « Les Païens reconnoissoient avec étonnement dans ce simple appareil [un habit de deuil] le guerrier dont ils avoient vu les statues triomphales » (Chateaubriand, 1809) ; « [Il] était dans un assez piteux appareil. Dépouillé de sa cérémonieuse redingote [...] » (Pierre Benoit, 1930) ; « La princesse [...] semblait inquiète, presque honteuse de se trouver surprise ainsi, dans cet appareil » (Georges Duhamel, 1941) (3). Point d'oxymore dans tous ces exemples (les apparences, on ne le sait que trop, sont souvent trompeuses).

    Se présenter dans un simple appareil, c'était donc − et c'est encore, dans la langue littéraire − « paraître sans apprêts, sans recherche de toilette, en toute simplicité », à l'instar de la Junie de Britannicus : « Belle, sans ornement, dans le simple appareil D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil » (Racine, 1669) (4). L'expression est passée dans l'usage courant (surtout sous la variante dans le plus simple appareil) avec le sens culotté de « très peu vêtu, en négligé », voire « nu » : « Les nymphes d'honneur dans le plus simple appareil nocturne » (Théophile Gautier, 1858), « L'angoisse de la chaleur était devenue telle [...], que j'errais en vain dans mes sept pièces, étouffant encore, même dans le simple appareil » (Henri-Frédéric Amiel, 1866), « À mon arrivée, [elles] étaient encore dans le simple appareil du matin » (Claude Mauriac, 1974), « Le plus assidu au plongeoir était un vieux monsieur, [...] avec les manières les plus raffinées jusque dans le plus simple appareil » (Alain Peyrefitte, 1977), « Une jeune photographe t'avait proposé de poser nu pour une exposition. Toi, dans le plus simple appareil [...] » (Nathalie Rheims, 2009). Seulement voilà : le mot appareil est de nos jours si intimement lié à l'idée de technique (d'aucuns parleraient plus volontiers de technologie) que sa présence dans notre expression paraît aussi incongrue que celle d'Alexandre Benalla à côté du carrosse d'apparat des Bleus. Grande est alors la tentation de lui substituer son cousin paronyme, autrement poétique pour évoquer ce qui touche à l'apparence. La méprise, au demeurant, est d'autant plus excusable que apparat, dans son sens premier de « préparatifs de toilette », aurait tout aussi bien pu faire l'affaire ; l'usage en a toutefois décidé autrement. Aussi évitera-t-on d'imiter Régis Michel, conservateur en chef des arts graphiques au musée du Louvre, quand il évoque « trois créatures dans le simple apparat de beautés raciniennes en sommeil prolongé : nudité charnue et pose lascive ». À moins, bien sûr, de vouloir verser dans l'oxymore sur ce coup-là. 

    (1) Cette synonymie est encore attestée au XVIIe siècle : « Apparat. A preparation, decking, provision, furniture », « Appareil. Preparation, provision, readie-making ; a decking, dressing, trimming ; cooking, seasoning » (Dictionnaire français-anglais de Randle Cotgrave, édition de 1632).

    (2) « Ces deux mots n'ont rien de commun par l'étymologie, le premier [apparat] venant de parare, préparer, et le second de pareil, disposition des choses pareilles, appareil pour une opération. »

    (3) Quand il serait passé sous silence par tous les ouvrages de référence que j'ai consultés, le même phénomène est observé avec apparat, quoique plus rarement : « Le roi estoit bien mincement habillé et en povre apparant [mis pour apparat, selon André Mabille de Poncheville] pour un corps de roy » (Georges Chastelain, XVe siècle), « Le général déploya une pompe bien différente du modeste apparat dans lequel s'était présenté son prédécesseur » (Léopold Méry, 1854), « [Elle s'est avancée,] L'air humble et de simple apparat, Un voile en forme de rabat » (Jules Croissandeau, 1880), « Son corps fut porté à l'église de la petite ville et y fut inhumé dans le plus simple apparat » (Hector Fleischmann, 1908), « [La procession] parut très simple, en son modeste apparat » (Paul Adam, 1906), « Un portrait, de plus simple apparat, au crayon » (Charles Saunier, 1933).

    (4) Cette formule, « une des plus gracieuses de notre langue » selon Pierre Larousse, fut souvent reprise, voire plaisamment détournée : « Dans le simple appareil D'un kaiserlick qu'on vient d'arracher au sommeil » (Le Figaro, 5 juin 1862).

    Remarque 1 : À l'article « appareil » de la huitième édition (1932) de son Dictionnaire, l'Académie donnait la définition suivante : « Apprêt, préparatif, manière dont les personnes ou les choses se montrent à nous. » Rien (si ce n'est le goût de la simplicité...) ne s'oppose donc à l'emploi de l'expression dans le (plus) simple appareil à propos d'un objet ou d'une chose abstraite : « Je vous envoie ces vers dans leur simple appareil, et dénués de tout ornement » (Charles Palissot de Montenoy, 1747), « [L'Académie] présentera sa grammaire dans le plus simple appareil. Les exemplaires, même de luxe, ne seront pas scellés du grand sceau de cire verte sur lacs de soie rouge et verte » (Abel Hermant, 1930), « Pourquoi ne pas aborder la pensée dans le plus simple appareil de la langue, dans la beauté de ce qui reste quand on a tout expliqué ? » (Bertrand Poirot-Delpech, 1991).

    Remarque 2 : Apparat a aussi repris au latin apparatus son sens médiéval et spécialisé de « gloses et commentaires » pour désigner, dès le XVe siècle, un livre pédagogique rédigé en forme de dictionnaire, puis, sous l'influence probable de l'allemand kritischer Apparat, l'ensemble des annotations d'une édition de texte. Là encore, la concurrence avec appareil fait rage : « Appareil critique, dans l'édition savante d'un ouvrage, relevé des variantes fournies par les manuscrits et les éditions antérieures, ainsi que des corrections conjecturales (on dit aussi Apparat critique) » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    On découvre un vestibule sans apparat (ou, plus... simplement, dépouillé).

     


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  • À l'origine (XIe siècle) était le verbe faillir (d'abord falir ou fallir), emprunté du latin populaire fallire, lui-même issu du latin classique fallere (« tromper, échapper à, manquer à [sa parole] »). Sa conjugaison hésitait entre les formes en fal- et celles en faill- : (indicatif présent) il falt (puis fault, faut) ; (passé simple) il fali (ou failli, faillit) ; (futur) il faldra (puis faudra ou faillira) ; etc. Falloir, quant à lui, n'est autre que la réfection de faillir (pris au sens de « faire défaut, manquer ») sur le modèle de valoir (d'après il faut/il vaut, il faudra/il vaudra) : « Conjugué de façon impersonnelle, il me faut ce livre signifiait donc "il me manque ce livre", écrit Georges Gougenheim dans Les Mots français (1962) ; puis le sens est devenu "ce livre m'est nécessaire, j'ai besoin de ce livre". Cette conjugaison impersonnelle de faillir a donné naissance à un verbe indépendant qui a subi l'influence de valoir. À côté de il faut, il faudra... [formes reprises à faillir], on a créé un imparfait il fallait, un passé simple il fallut et un infinitif falloir. » Falloir s'est ainsi complètement détaché de son doublet faillir (entre le XVe et le XVIe siècle ?). Le sens originel « manquer de » s'est toutefois conservé dans le pronominal s'en falloir, qui s'est substitué à s'en faillir.

    Précédé du pronom impersonnel il (sujet apparent ou grammatical), s'en falloir se construisait jadis avec un sujet réel (ou logique) : « Il ne s'en fault que demie aulne / Pour faire les six justement » (La Farce de Maître Pathelin, vers 1460), « Il ne s'en est rien fallu qu'il n'ait esté tué. Il s'en fault deux pieces de monnoye » (Robert Estienne, 1539), comprenez : il manque la longueur d'une demi-aune, très peu de chose, deux pièces de monnaie (pour que...). Dans le cas où le sujet réel était non plus un nom mais un adverbe employé comme pronom indéfini (1), deux constructions (syntaxiquement différentes mais sémantiquement équivalentes) étaient possibles, selon que ledit pronom indéfini était placé après ou − l'impersonnel il étant souvent omis en vieux français − avant le verbe : il s'en faut peu (petit, beaucoup, guère, tant...) (que) et peu (petit, beaucoup, guère, tant...) s'en faut (que), comprenez : il manque peu, beaucoup (pour que), d'où : on est près, loin du résultat escompté. Témoin ces exemples anciens : (XIIe siècle) « Petit s'en falt [2] que [...] », « Mais molt petit en falt » (Le Roman d'Énéas) ; « Je ne sui pas / Del tot morte, mes po an [ou s'en] faut », « Molt po de chose s'an failloit que [...] » (Chrétien de Troyes) ; (XIIIe siècle) « Petit s'en fali qu'il ne l'ochist » (Le Roman de Tristan en prose) ; « Peu s'en fali », « Il s'en a mout peu falu que [...] » (Le Roman du Hem) ; « Il sont, ne s'en faut gaires, tout corrompu » (Philippe de Beaumanoir) ; (XIVe siècle) « Sachez que petit s'en fault » (Gace de La Bigne) ; « Il en falut petit que de son sens n'issy » (La Vie de saint Eustache) ; (XVe siècle) « Ainsi les trouverent tous, ou peu s'en failloit, desarmez » (Philippe de Commynes) ; « Cinq ans apres ou gueres ne sen fault » (Nicolas Mauroy) ; (XVIe siècle) « Tu es des tiens peu s'en fault adoré » (Clément Marot) ; « Peu s'en faillit qu'il ne le defonçast », « Tant s'en faut que je reste cessateur et inutile » (Rabelais) ; « Peu s'en a fallu que je n'ay dit ce qu'il fault taire » (Jean Pillot) ; « Beaucoup s'en faut qu'ils en ayent tant que nous » (Henri Estienne) ; « Il s'en fault tant que je sois arrivé à ce [...] degré d'excellence [que...] » (Montaigne). (3) 

    Seulement voilà, observe Goosse : ces formules, cessant peu à peu d'être comprises, subirent des altérations. D'une part, le sujet réel placé après le verbe y a été perçu comme un complément de mesure (4) − évaluant ce qui fait défaut pour que le procès de la proposition complétive (exprimée ou sous-entendue) se réalise −, que l'on a construit avec la préposition de (5) : « Il s'en fault de beaucoup » (Jean Calvin, vers 1558), « Il ne s'en fallut de gueres qu'il ne l'espousast » (Claude de Trellon, 1594), « Il s'en fallut de peu qu'on ne combatit » (Thomas de Fougasses, 1608), « Il ne s'en fallut que d'un moment » (Voltaire, 1768), « Est-ce à dire [que] j’adhère à tous vos jugements ? Il s’en faut de quelque chose, Monsieur » (Joseph d'Haussonville, 1872), « Il ne s'en fallait pas de grand-chose » (Raymond Roussel, 1897), « Il s'en fallait toujours d'un fil ! » (Céline, 1936), « Il s'en faut de cinq ans qu'elle ait roulé dans le panier » (Sartre, 1963). D'autre part, de « purs » adverbes vinrent concurrencer peu, beaucoup, tant... qui, dans ces emplois, étaient de moins en moins sentis comme des pronoms indéfinis : que l'on songe à bien s'en faut, tenu pour un gasconisme, et, plus récemment, loin s'en faut, né du croisement fâcheux entre tant (ou bien) s'en faut et loin de là.

    Des grammairiens, à la suite de Vaugelas, voulurent établir une distinction entre la tournure avec de, qu'ils réservaient à l'expression d'une différence de quantité, et celle sans de, qui indiquait une différence de qualité (6) ; mais beaucoup s'en fallut que cette règle fût toujours respectée (ne serait-ce que par les académiciens eux-mêmes). De nos jours, observe Girodet, la construction avec de tend à s'imposer dans tous les cas (7), mais « cette généralisation abusive n'est pas conseillée ». Notre spécialiste ne croit pas si bien dire : la tentation de recourir aux variantes de peu s'en faut, de beaucoup s'en faut, par analogie avec il s'en faut de peu, il s'en faut de beaucoup, n'en a été que plus grande. Sauf que ce qui était envisageable à droite du verbe s'en falloir n'aurait jamais dû l'être à gauche ; c'est du moins ce qu'affirment les Le Bidois père et fils dans leur Syntaxe du français moderne (1938) : « L'emploi de la préposition de est impossible devant peu [beaucoup, etc.] quand ce mot se trouve en tête de locution. » (8) Hanse et Goosse se veulent rassurants : n'affirment-ils pas dans une touchante unanimité que de tels exemples sont « exceptionnels » (selon le premier), « rares » (selon le second) ? C'est vite dit : « De peu s'en fault que le cœur plein de rage [...] / Ne crie en hault » (Béranger de La Tour, 1551) ; « Il se fust du tout abstenu de parler, de tant s'en faut qu'il eust ornée et polie sa parolle » (François Bonivard, 1563) ; « Je ne suis pas encore morte, mais de peu s'en faut ! » (Milli de Rousset, 1780) ; « De peu s'en est fallu que l'amateur vindicatif n'ait été renvoyé » (Julien Louis Geoffroy, 1805) ; « Cette limite n'est jamais assez forte pour arriver jusqu'à l'équilibre, de beaucoup s'en faut » (Henri Fonfrède, avant 1841) ; « [Tel organe de presse étrangère] a, de peu s'en faut, les dimensions du Journal des Débats » (Pierre Gustave Brunet, 1841) ; « Quand Balzac vint au monde, [...] la littérature française était morte ou de peu s’en faut » (Le Messager de l'Assemblée, 1851) ; « − Mais le canapé n'est pas achevé ? − Oh ! de bien peu s'en faut » (Ponson du Terrail, 1866) ; « De peu s'en fallut qu'il ne trouvât interminables les trente tours de roue qu'il y avait » (Élémir Bourges, 1884) ; « [Des] phénomènes devant se reproduire, ou de peu s'en faudrait, partout où le gouvernement démocratique s'établira » (Émile Faguet, 1894) ; « Un frère aussi pauvre qu'elle, ou de guère s'en faut » (Eugène Le Roy, 1901) ; « Mais il n'a pas tout dit, de bien s'en faut » (Frédéric Mistral, 1906) ; « Tel est bien le cas de la France actuelle, ou de trop peu s'en faut » (Justin Fèvre, 1906) ; « Un recueil de chants populaires [...] ne donne pas toujours, de tant s'en faut, l'émotion artistique recherchée » (Jean-Baptiste Galley, 1909) ; « Me voici parvenu à la quatre centième page du présent livre, ou de peu s'en faut » (Maurice Dreyfous, 1912) ; « L'insecte n'est pas mort, de bien s'en faut », « Il y fait, de peu s'en faut, aussi froid qu'au dehors », « De véritables œufs, pareils, de guère s'en faut, à ceux que [...] » (Jean-Henri Fabre, avant 1915) ; « Taine ne va pas tout à fait si loin, mais de peu s'en faut » (Henri Bremond, 1923) ; « Les réformes limitées qui viendraient à s'imposer d'elles-mêmes, ou de peu s'en faut » (Jacques Chirac, 1978) ; « Les mêmes observations valent, ou de peu s'en faut, pour [...] » (Gérald Antoine, 1981) ; « Ce n'est pas un drame, de beaucoup s'en faudrait, je l'admets » (Franz Bartelt, 2015) ; et il n'est que de parcourir la Toile pour y trouver matière à compléter cette liste, déjà longue. 

    Par réaction contre cette dérive ou, plus vraisemblablement, par excès de simplification, l'Académie (ainsi que la plupart des dictionnaires actuels) est venue ajouter à la confusion ambiante en donnant à croire, dans la neuvième édition de son Dictionnaire, que la préposition de est attachée au verbe plutôt qu'à son complément : « S'en falloir de, suivi généralement d'un nom ou d'un adverbe de quantité, se dit pour indiquer une différence en moins. » Il n'en est évidemment rien, tant s'en faut, car sinon, pourquoi les Immortels auraient-ils supprimé de la huitième édition (1932) l'exemple Il ne s'en faut de guère ? C'est parce que de guère − comme de tant, mais contrairement à de peu, de beaucoup − ne s'emploie plus... guère en français moderne (9) pour estimer une différence que l'on ne dit plus de nos jours Il ne s'en faut de guère ni Il s'en faut de tant, mais Il ne s'en faut guère et... Tant s'en faut ! Pour ne pas être pris en flagrant délit de contradiction (10), les académiciens ont donc préféré pratiquer la politique de l'autruche en supprimant purement et simplement tous les exemples devenus embarrassants (Il ne s'en est guère fallu se trouvait encore dans la huitième édition) plutôt que de préciser : « S'en falloir, suivi (généralement [11]) d'un syntagme nominal précédé de la préposition de, d'une locution adverbiale de quantité (de beaucoup, de peu, de rien) ou d'un adverbe (bien, guère...). »

    Goosse n'est pas en reste quand il s'agit d'user de raccourcis. Ne qualifie-t-il pas les tours peu s'en faut, tant s'en faut (ainsi que beaucoup s'en faut et bien s'en faut, présentés comme « rares ») de « formules figées d'une syntaxe archaïque » ? Va pour la syntaxe archaïque (antéposition du pronom indéfini, omission du pronom impersonnel) et pour la lexicalisation (au sens de « presque » pour le premier, de « loin de là, bien au contraire » pour les suivants), mais avouez que l'on a connu degré de figement autrement élevé : (peu, très peu, bien peu, si peu, beaucoup, bien, tant, tant bien...) s'en faut (s'en fallait, s'en fallut, s'en est fallu...). C'est que les expressions construites avec s'en falloir doivent suivre le temps du verbe qu'elles régissent, si l'on en croit les exemples donnés dans la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie (12) : « Peu s'en fallut qu'il ne fût expulsé. Elle n'était plus, tant s'en fallait, de première jeunesse. Il s'en est fallu de quelques points qu'il fût reçu. La balle a failli l'atteindre, il s'en est fallu de l'épaisseur d'un cheveu. »

    Et que penser encore des désaccords de nos spécialistes sur l'emploi de ne dit « explétif » après s'en falloir ? Littré et Thomas s'en tiennent à la règle traditionnelle (13) − que Girodet réserve à « l'usage soutenu », et l'Académie, à la langue « littéraire » −, selon laquelle ladite particule est requise dans la proposition subordonnée quand s'en falloir est en tournure négative, restrictive (modifié par un mot comme peu, guère, presque, rien, seulement...) ou interrogative : (avec ne) « Il ne s'en est pas fallu l'épaisseur d'une épingle qu'ils ne se sayant nayés [soient noyés] tous deux » (Molière), « Il ne s'en fallut pas de beaucoup que la chaleureuse déclaration de Tiburce ne fût noyée sous un moral déluge d'eau froide » (Gautier), « Il ne s’en est cependant quasi rien fallu que je ne l'aie percé de mille coups » (Savignien de Cyrano de Bergerac), « Il ne s'en fallait rien que la fortune ne me mît dans la plus agréable situation du monde » (Mme de Sévigné), « Il ne s'en fallait guère qu'un accident ne mît un terme à tous mes projets » (Chateaubriand), « Il s'en est fallu de peu qu'ils n'y fussent pas » (Mauriac), « Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure » (Molière), « Combien s'en faut-il que notre santé ne soit entièrement désespérée ? » (Bossuet) ; (sans ne, en tournure affirmative) « Tant s'en faut que l'ardeur de mon feu diminue » (Ronsard), « Il s'en fallait donc de sept à huit cents piastres pour qu'[ils] pussent réunir la somme demandée » (Dumas père), « Il s'en faut de beaucoup qu'il soit laid » (Sand), « Il s'en faut bien qu'elle soit sans agréments » (Stendhal). Pour les Le Bidois, il n'y a pas ici à donner de règle absolue : « C'est avant tout affaire de pensée (et d'oreille aussi, quelquefois). Quand il y a lieu de souligner la valeur négative, (ou encore si la présentation de la phrase paraît requérir plus de fermeté et de plénitude), la présence de ne dans la subordonnée peut, à la rigueur, se justifier [...]. Autrement, il semble bien que la justesse n'a qu'à perdre à l'intrusion de ne. » Même son de cloche, ou peu s'en faut, du côté du Robert : « Dans ces propositions, l'emploi de ne est fonction du jugement du locuteur sur l'estimation de la différence. On dira : Il s'en faut seulement de quelques millions que le budget de l'État ne soit en équilibre, mais quand la différence en moins est considérable : Il s'en faut de cent milliards que le budget soit en équilibre. » Hanse, pour sa part, avoue ne percevoir aucune nuance de sens : « Il s'en est fallu de peu qu'il vînt ou qu'il ne vînt (= il a failli venir) », avant d'ajouter : « S'il y a négation du verbe subordonné, on doit employer ne pas : Il s'en est fallu de peu qu'il ne vînt pas (= il a failli ne pas venir). »

    Vous l'aurez compris : la syntaxe du verbe pronominal impersonnel s'en falloir n'a rien d'une sinécure, tant il y est difficile de démêler le vrai du... faut !

    (1) Comme dans : Il a fait beaucoup pour moi. Peu le savent. Il est à noter que les adverbes de degré ne peuvent pas tous être employés avec la valeur pronominale : « Ces emplois sont exclus pour bien », précise Goosse.

    (2) Ou, selon les sources, en falt. L'ancienne langue semble avoir hésité entre en falloir et s'en falloir... voire falloir seul : « Peu faut que je ne vous estranle » (Adam de la Halle, XIIIe siècle), « Petit fault que chescune la chambre ne veudait » (Lion de Bourges, XIVe siècle), « Ne failloit gueres que chacun coup qu'il toussoit qu'il ne fust oy de la chambre » (Les Cent nouvelles nouvelles, vers 1460).

    (3) On voit bien que, dans ces emplois, les formes conjuguées viennent historiquement de faillir. D'où la remarque de Vaugelas, qui considérait « peu s’en est fallu », en lieu et place de « peu s’en est failli », comme une « confusion » de l’usage (sans doute abusé par les formes communes aux deux conjugaisons). Aussi ne s'étonnera-t-on pas de trouver encore au XVIIIe siècle : « L'échapper belle, c'est-à-dire s'en faillir peu que l'on ne périsse » (Dictionnaire français et latin de Joseph Joubert, 1710).

    (4) Littré, de son côté, parle de complément adverbial : « Cette construction [il s'en est fallu l'épaisseur d'un cheveu] s'explique ainsi : il, sujet indéterminé, c'est-à-dire l'épaisseur d'un cheveu [sujet réel], s'en est fallu [= a manqué]. On dirait aussi : il s'en est fallu de l'épaisseur d'un cheveu ; mais alors l'explication grammaticale est différente : il s'en faut se dit absolument pour signifier il y a une différence en moins ; et de l'épaisseur d'un cheveu devient une locution adverbiale qui modifie il s'en faut. » Avec la phrase Il s'en fallait beaucoup que la Russie fût aussi peuplée, cela donne : il (sujet apparent), c'est-à-dire beaucoup (sujet réel, mis pour « un grand nombre, une grande quantité ») s'en fallait (= manquait) (pour) que la Russie fût aussi peuplée ; avec la préposition de : il s'en fallait (= il y avait une différence en moins) de beaucoup (locution adverbiale servant à souligner l'importance de l'écart exprimé) (pour) que la Russie fût aussi peuplée.

    (5) Par analogie avec la construction des compléments de mesure après un verbe énonçant la différence, le retard, la supériorité... : Il l'a emporté de beaucoup, de peu. Ils se sont manqués d'une minute. Elle le dépasse de dix centimètres.

    (6) Pierre-Benjamin Lafaye ajoute, dans son Dictionnaire des synonymes (1858), que la présence de la préposition de dans ces expressions suppose une appréciation plus exacte de la différence, qui aura pu être mesurée avec quelque rigueur.

    (7) Le tour sans de est présenté comme « très vieilli » dans la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie (Hanse se contente de la mention « vieilli »).

    (8) L'emploi de de en tête de proposition, devant une expression désignant la mesure de différence, est pourtant attesté en ancien français : « De peu me sert que [...] » (Roman du châtelain de Coucy et de la dame du Fayel, fin du XIIIe siècle), « De tant elle [une verrière] est plus tost brisée » (Le Ménagier de Paris, XIVe siècle).

    (9) De guère n'était pas rare dans l'ancienne langue : « Ilz ne se teurdroient de gaires » (Jean d'Arras, vers 1392), « Monsieur n'a menty de gueres » (François Béroalde de Verville, 1617), « L'âge ne sert de guère » (Molière, 1661). D'après Goosse, ledit tour est « encore usité à Lyon et en Provence » : « Il ne s'en est fallu de guère que je ne vienne pas t'appeler ! [dit un jeune Provençal] » (Marcel Pagnol, 1957).

    (10) Ce fut notamment le cas du Petit Robert 1987 : « S'en falloir (il s'en faut) de. Avec un adverbe de quantité. Il s'en faut de beaucoup, Il s'en faut bien. » Comprenne qui pourra !

    (11) Que se cache-t-il derrière cet adverbe ? L'emploi absolu Il s'en faut (= loin de là, bien au contraire) : « Hélène n'a pas l'oreille prude, il s'en faut » (Colette) ? La construction avec une proposition complétive (au subjonctif) comme sujet réel : « Il s'en fallait que leur goût fût excellent » (Romain Rolland) ? Mystère...

    (12) On a ainsi reproché à Racine ce vers d'Athalie : Peu s'en faut que Mathan ne m'ait nommé son père. « Peu s'en est fallu » n'aurait-il pas mieux respecté la concordance des temps ? s'interroge le grammairien Pierre Fontanier dans ses Études de la langue française (1818).

    (13) Établie par le grammairien Noël-François De Wailly dans ses Principes généraux et particuliers de la langue française (1754) ?

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    Remarque 1
     : Le verbe impersonnel falloir n'est usité qu'à l'infinitif, au participe passé (toujours invariable et servant uniquement à former les temps composés) et à la troisième personne du singulier de tous les temps et modes.

    Remarque 2 : Sont également attestées en ancien français les expressions a poi, a petit, a peu... (que) au sens de « peu s'en faut (que) » : « A po qu'il ne l'anbrace » (Chrétien de Troyes), « A peu que le cuer ne me fent » (François Villon).

    Remarque 3 : Voir également les billets Loin s'en faut et Il faut mieux.

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    Peu s'en faut

     


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