• C'est sur-réaliste !

    « Le Parlement britannique vote sur le Brexit. »
    (Florentin Collomp, sur lefigaro.fr, le 1er février 2017)

     

     

     FlècheCe que j'en pense


    Avez-vous remarqué comme la préposition sur rallie tous les suffrages ? De nos jours, on n'hésite plus à rentrer sur Lyon, à partir sur Toulouse, à travailler sur Paris, à habiter sur Marseille, à se déclarer nombreux sur la région, etc. Sur, c'est certain, est en train de supplanter toutes les prépositions de lieu (à, vers, dans...) auprès de nos verbes. Voter serait-il la dernière victime d'un phénomène dénoncé par plus d'un grammairien ? Rien n'est moins... sûr ! Car, dans l'affaire qui nous occupe, la préposition sur introduit non pas un complément de lieu mais le régime d'un verbe exprimant un jugement : voter sur tel sujet, à l'instar de exprimer son opinion sur tel sujet.

    Mais alors, pourquoi notre journaliste s'est-il empressé de modifier la phrase initialement publiée en Le Parlement britannique lance le Brexit (ce qui, soit dit en passant, n'a plus du tout le même sens) ? C'est que les spécialistes de la langue − à l'exception notable de l'Office québécois de la langue française (*) − ne semblent guère enclins à construire notre verbe avec ladite préposition. Il n'est que de consulter les dictionnaires usuels, le TLFi ou le Dictionnaire de l'Académie à l'entrée « voter » pour s'en convaincre : on y trouve des exemples de voter pour ou contre (quelque chose ou quelqu'un), voter (quelque chose ou, familièrement, quelqu'un), voter à gauche ou à droite (mieux : pour la gauche ou pour la droite), voter (tout court)... mais aucune trace de voter sur. Bescherelle se montre plus catégorique : « Les prépositions attendues après voter sont pour ou contre. » Point barre. Pourquoi ce traitement de défaveur, me demanderez-vous ? Le portail linguistique du Canada avance une hypothèse : parce que voter sur serait un « calque de l'anglais ». On reste sur... le cul. Car enfin, nous rappelle le Dictionnaire historique de la langue française, c'est voter − quelle que soit la préposition envisagée − qui est emprunté de l'anglais to vote, lui-même vraisemblablement issu du latin votare (« vouer, consacrer à un saint ; faire vœu, s'engager ») à l'origine du français voter d'usage ecclésiastique (« donner sa voix au chapitre »).

    À y regarder de plus près, la construction voter sur n'est pas inconnue des ouvrages de référence. Ne figure-t-elle pas à l'entrée « contre-épreuve » de la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie : « Action de faire voter sur la proposition contraire à celle qui a d'abord été mise aux voix » et à l'entrée « comices » du Littré : « Nom que l'on a donné aux assemblées primaires appelées à voter sur des plébiscites » ? On la trouve également de longue date sous quelques plumes illustres : « Ainsi on sera quinze jours à voter sur ces quatre propositions » (Bossuet), « L'orateur a droit non seulement de parler dans le débat, mais de voter sur la motion » (Mirabeau).

    Vous l'aurez compris, je ne vois pas bien pour quelles raisons obscures le verbe voter ne pourrait s'accommoder de la préposition sur. De là à ce que cette opinion fasse l'unanimité...

    (*) « Voter peut être suivi d’un complément d’objet indirect introduit par les prépositions pour, contre ou sur : La population pourra voter sur la légalisation de l’avortement. »

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La même chose ?

     


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